Un aperçu de Stockholm

Un aperçu de Stockholm

30 juillet 2019 Non Par Jérémie

Il était temps pour moi de visiter Stockholm, ville immense et remplie d’endroits à découvrir. Je sais que ça faisait un moment que je repoussais le fait de tenter de rencontrer du monde, craignant de n’être pas assez intéressant pour ça, mais je n’avais plus trop d’excuses alors je me lançais : j’allais prendre un lit en auberge de jeunesse !

Ça s’annonce bien !

Avec des parking à plus de deux euros de l’heure, je tentais la même stratégie que des amis ayant visité New York : me garer en périphérie lointaine de la ville dans un park & go, ne payant que 10 euros pour deux jours.

Rue déserte, j’étais là avant l’ouverture des commerces

J’avais repéré une auberge de jeunesse dans le centre, et vu les centaines d’avis extrêmement positifs sur celle-ci, je me dirigeais vers elle pour tenter d’obtenir une place, n’ayant pas pu réserver le jour même sur Internet (oui, je garde ma liberté)

Église

J’étais arrivé vers 7-8 heures dans la ville et tous les commerces étaient fermés et à l’exception de quelques groupes de voyages organisés, je ne croisais pas grand monde. J’avais tout le loisir de découvrir une ville très colorée sur mon chemin.

Charmante petite place

Je passais en face de l’immense palais royal et pouvais observer un garde en faction.

Garde du palais royal
Hissage du drapeau
Revolver avec un très long canon, quand on y pense…
Aaaah ! Une souris !

Après avoir traversé quelques quartiers, j’arrivais au « City Backpackers Hostel », j’étais impressionné par la déco dans l’entrée, extrêmement chaleureuse. Stockholm étant en pleine Pride, il y avait aussi des rainbow flags et un écriteaux à l’entrée rappelait les règles de tolérance de l’établissement.

Malgré mon anxiété, mon envie de fuir et de me planquer au fond d’une forêt dans la nature, je réservais quand même une nuit à l’accueil, en chambre individuelle vu que les dortoirs étaient complets. Je suis content de ne pas m’être servi de ce prétexte pour abandonner !

Je visitais un peu les lieux et triait mes photos avant de partir vers le musée Vasa qui m’avait été chaudement recommandé…

Dans un couloir de l’auberge de jeunesse

J’aime bien les bateaux. Encore plus les vieux voiliers. J’ai été servi !

Proue

Mais laissez-moi d’abord vous raconter une histoire… Il était une fois, un roi, très puissant et voulant un bateau à l’image de ses ambitions. Le roi commanda à un amiral un bateau semblable à ceux des Néerlandais. Immense. Avec deux ponts de canons. Richement décoré. L’amiral délégua la tâche aux chantiers navals qui, eux, n’avaient jamais construit de bateaux de ce type. Des bateaux, oui, mais pas avec deux ponts pour l’artillerie.

Mais le roi mettait la pression à l’amiral qui, lui, la retransmettait aux architectes, ingénieurs, artisans et ouvriers. Et le chantier avançait. Certaines personnes émirent des doutes du début à la fin du projet : « Le bateau est trop étroit sur le fond », « Il n’y a pas assez de place pour les ballasts ». Mais le projet devait continuer. C’est comme ça et le roi brûle de recevoir son navire.

Un jour le chantier se termina. Oh, il était impressionnant ce bateau ! Entièrement peint, bardé de sculptures à la gloire du roi, l’associant aux empereurs romains, de sculptures moquant les ennemis de la couronne et d’effrayant lions surgissant des dizaines de sabords lorsqu’il était temps de combattre. Et cette poupe ! Son travail n’avait rien à envier aux cathédrales ! On procéda donc aux essais. Et là, effectivement, on sentait bien les problèmes de stabilité liés au fond plat et au manque de ballast. Mais, ce qui était fait était fait et le roi voulait son bateau… Le voyage inaugural allait pouvoir commencer, sous l’oeil bienveillant de toutes les divinités maritimes et océaniques sculptées autour du bateau.

1500 mètres après sont départ, le bateau versait, emportant avec lui plus de 400 membres d’équipage, ne laissant qu’une poignée de survivants.

Rapidement, des comptes furent demandés. Il fallait des coupables. Les polonais, du sabotage ? Improbable ? Une erreur humaine ? Non, rien de ce côté. Et si c’était la faute de ceux qui avaient construit le bateau ?…

Problème, les responsables de la construction avaient de nombreuses fois, oralement, par écrit, encore et encore signalé les mauvais choix qui avaient été imposés par l’amirauté et par extension, le roi, offrant des alternatives, plus longues, pour les résoudre.

Rapidement, le tribunal en charge de condamner quelqu’un pour cette catastrophe fut bien embêter : tout désignait le roi comme le coupable évident de cette tragédie. Il prit alors une décision très courageuse qu’on rencontre encore aujourd’hui dans ce genre de situations en gestion de projets :

Ah, bah, en fait, c’est la faute à personne on va dire, hein ?…

Une semaine de salaire de marin

Le musée Vasa expose… Le Vasa. Oui, le bateau. Il a été étonnamment bien conservé ce qui a permis son incroyable renflouement dans les années 60. Après plusieurs années d’études, de traitements pour préserver le bois, il était exposé dans un musée à atmosphère contrôlée aux allures d’hangar à dirigeables !

Renflouage
Un scaphandre de 1961 !
Bas relief
À quoi ressemblaient les sculptures du bateau
Les pigments utilisés pour décorer le navire
Sabord remonté, lion écarlate et or qui menaçait l’ennemi
Il y avait quelques panneaux en français. Mais la quasi intégralité était en suédois ou en anglais.
Rivets. 40 cm de long, c’est impressionnant !
Noble polonais qui rampe

Le bateau était tellement grand que le musée s’étendait sur plusieurs étages !

Pont et haubans
Poupe richement travaillée comme le reste…

Il y avait un nombre incroyable de détails qui ont été reconstitués et retrouvés sur la vie de l’équipage, l’importance des femmes à l’époque, le fonctionnement d’un bateau de cette envergure. C’était extrêmement intéressant et ça m’a donné l’occasion de réviser mâts de misaine, artimon et autres sabords.

Pièce des officiers

Il y avait aussi des dizaines de dioramas retranscrivant l’agitation qui pouvait régner lorsque plus de 400 personnes étaient à l’oeuvre sur un navire.

Way-ay-ay up she rises !
Pas bête les briques pour éviter que le bateau flambe ! Même si ce n’était pas le problème…

Je ne pouvais m’empêcher de penser au jeu d’investigation « Return to the Obra-Dinn », le musée me faisant plonger dans la vie et les derniers instants des marins…

Reconstitution de la tenue d’un marin

Il y avait aussi des humains empaillés…

Il y a eu un énorme travail médicolégal sur les squelettes de l’équipage pour reconstituer certains visages, leurs parcours, état de santé, tout ça dans le but de redonner une identité à des victimes oubliées.

Bois traité et non traité
La construction du bateau

Je quittais après quelques heures le musée pour explorer les environs, un peu anxieux à l’idée de rentrer à l’auberge et essayer de m’intégrer, n’ayant jamais fait ça avant. Merci aux conseils que vous avez pu me donner 🙂

Musée
Le grand canal
C’est très meta, ça…
Ruelle non fréquentée
Place déserte et étrange, circulaire
Plein de tours pointues !
Ménestrel présentant la ville

Je parcourais un peu au hasard les rues de la ville et au bout d’un moment, je me rendis compte que je m’étais éloigné de plusieurs kilomètres de l’auberge. Je n’avais plus d’eau, l’après midi se terminait et j’aurais voulu avoir le temps de me poser un peu avant l’arrivée de tous les autres pensionnaires… J’en avais pour au moins une bonne heure de marche…

J’ai pas mal utilisé les trottinettes électriques…

J’ai donc profité de l’occasion pour tester le service de trottinettes électriques en libre service ! C’était amusant et pratique !

Télé diffusant de vieux dessins animés

J’arrivais à l’auberge un peu avant 18 heures et me posait dans la cuisine, buvant toute l’eau que ma gourde n’avait pu emporter. Je commençais ensuite à revoir mes photos de la journée tandis que d’autres personnes arrivaient…

Mon lit

Finalement…

Salle commune annexe et sas d’entrée

J’ai passé 8 heures à discuter !

Couloir

Il y avait des personnes de toutes sortes de pays : Allemagne, Pays-bas, USA, Australie, Grèce, Slovénie, Suisse et Belgique. Toutes et tous avaient leurs parcours, leurs histoires ! Certains traversaient aussi l’Europe, d’autres voyageaient après avoir obtenu un diplôme, et l’une d’elle, issue d’une grande famille américaine passait sa vie à voyager. C’est donc avec un groupe d’une dizaine de personnes que j’ai passé la soirée à discuter de tout. C’était une expérience géniale, merci à tous ceux qui m’ont recommandé d’essayer, même si j’ai beaucoup douté pendant un moment, ça en valait la peine et je renouvellerai l’expérience !

Salle commune principale
Bar
La terrasse aussi était très cosy avec des tas de coussins pour les bancs !

Après une bonne nuit de sommeil sans avoir à installer mes volets ou faire tout un ballet pour me laver et me changer que je repartais en ville. J’hésitais un moment à faire le musée Abba, aimant beaucoup certaines de leurs chansons mais je choisissais finalement de faire le musée d’art moderne car c’est un endroit qui est toujours plein de surprises !

Fontaine pissenlit, noir et blanc, J. Lussiez 2019
And sadly, it was not the right day to see something, I would love to see a musical !
Stockholm et ses bateaux
Mouëtte

Tu sais qu’un musée d’art moderne n’est pas loin lorsque tu aperçois des sculptures de Niki de Saint Phalle…

Et pour le coup…
… Il y en avait beaucoup !

Après avoir observé et fait le tour des êtres étranges peuplant le jardin, j’entrais dans le hall. Première bonne surprise, c’était là que se trouvait l’exposition photo pour laquelle j’avais vu la publicité plusieurs fois en ville. Je prenais donc un ticket pour l’expo temporaire…

Bill Cipher voir rouge, il a perdu son chapeau…
Un mur sur les luttes

L’exposition tournait autour du travail de Jafa et avait pour thématique la représentation noire dans la photographie et la noirceur. Jafa travaille beaucoup à partir de collages et juxtapositions de photos, qui, si elles viennent de contextes complètement différents, sont cependant toujours étroitement liées. Etant une personne pour qui tout est connecté, j’adhérai immédiatement à la démarche.

Gigantesque collage
Le genre de juxtapositions de Jafa

Il y avait aussi des travaux de Ming qui étaient exposés, très orientés sur la représentation des personnes.

Mais au delà de la photographie, Jafa est un artiste multimédia, étendant son oeuvre à la vidéo et au son. Montant également chants d’amateurs sur youtube avec ceux d’artistes internationnaux.

Bien vu !
Buste
On avait accès aux collages de Jafa dans les carnets posés sur la table

La partie la plus particulière de l’exposition était une plongée au coeur d’un tunnel entièrement noir. Sorte de peinture dans laquelle on pouvait complètement se plonger.

La suite de l’exposition faisait littéralement rentrer dans le noir
C’était hypnotisant…

Au fond, on trouvait une salle noire, complètement vide à l’exception d’un immense écran de projection diffusant de façon quasi subliminale des centaines de juxtapositions de Jafa.

De l’autre côté, il y avait une autre salle diffusant des courts métrages photographiques sur la condition noire. Ils étaient très impressionnant, en particulier le troisième que j’ai pu voir intitulé « Savages » datant des années 60 et juxtaposant la réalité et les perceptions de l’époque. On suivait un père de famille tout en entendant en parallèle les discours effroyablement racistes de l’époque, discours qu’on peut encore hélas entendre aujourd’hui.

Après cette plongée de plus de deux heures dans l’univers de Jafa, j’attaquais l’exposition permanente. Ah… L’art moderne…

This. Is. Art !

Le musée commençait très fort avec une installation multimédia basée sur un écran seul au milieu d’un grande salle. Il n’était pas visible de l’extérieur. Dessus était diffusé un court métrage en images de synthèse couplées à de la réalité augmentée. Immondes et débonnaires rats humanoïdes fumants dans un avion, enfant buvant son urine et pissant en direction du public, même enfant découpé par une sorcière géante, succession d’animaux anthropomorphes parlant d’une même voix d’un discours de pervers narcissique pour se terminer par l’enfant jouant dans son urine avec en fond un Bouddha souriant.

C’était spécial.

Cartier-Bresson ! (Oui, je sais que c’est Camus sur la photo)

La suite du musée contenait des oeuvres d’artistes connus, j’en reconnaissais quelques uns et quelques unes mais en découvrait beaucoup d’autres au passage.

Nature morte par Irvin Penn

Par exemple, Diane Arbus qui s’est spécialisée dans les personnes hors norme. Nains, triplés, personnes marquées, elle a choisit de les mettre en avant dans des photos toujours flatteuses. Du moins, pour celles qui étaient exposées.

Forain, par Diane Arbus

J’ai aussi croisé de ces oeuvres qui nourrissent parfois les faits divers, emportées par une équipe de ménage zélée. Ce musée avait une solution en mettant sous verre certaines pièces…

Résister à l’envie de faire de l’humour self deprecating…
Picasso !
Giacometti !
Saint Phalle !
Dubuffet !

D’ailleurs, je ne suis pas un grand spécialiste de Dubuffet, mais je sais qu’il a peint de très mauvaises toiles sur la fin de sa vie, d’après un témoignage sur France Culture que j’avais entendu il y a quelques moi. Je ne vois pas trop comment on peut faire du mauvais art brut, mais bon…

Bacon !
Une « peincture », selon l’angle
Orpheus…

Vos tableaux sales de salles de classes ont peut-être une valeur artistique, attention !

Pollock !
Not Zima blue…
Lorsque je reçois un colis que j’attendais avec impatience…
Une utilisation intéressante d’un néon
Buffet d’art moderne
Hmmm…
Léger !
Sculpture kinétique, noir et blanc J. Lussiez 2019

Comme vous pouvez le constater, tous les artistes croisés pendant ces quelques heures m’ont donné envie de refaire du noir et blanc… Vous en aurez quelques unes de temps à autre…

Art abstrait
Dame contente
On dirait le Jésus restauré à l’arrache…
Braque !
Matisse !

Mais ce que j’aime le plus dans l’art moderne, c’est l’usage de l’espace, du volume. Il y a des combinaisons infinies et c’est ça qui me surprend !

Trucs collés au mur
Installation dynamique créant des jeux d’ombre
Des tas de dioramas 🙂
Touristes contemplatifs, noir et blanc, J. Lussiez 2019
Contemplation après départ des autres touristes…

Après cette visite, je décidais d’aller faire un tour à la bibliothèque, passant devant une église très sympathique et un quartier visiblement très défavorisé au vu des véhicules garés : Porsche, grosse Audi, Jaguar, grosse Audi, Porsche tout le long…

Hall, noir et blanc, J. Lussiez, 2019
Église, malheureusement fermée, il semblait y avoir un bel orgue dedans…
Presbytère
Le quartier semblait complètement sinistré…

Aller dans une bibliothèque dans une langue que je ne parle pas ? Une sotte idée ?

Entrée…

Pas vraiment, non 🙂 !

J’arpentais les rayons de bas…

C’était incroyable, c’est d’une bibliothèque un peu dans ce genre là dont j’ai rêvé, une fois !

En haut !
Livres anciens
Robinet
Livres français

Après avoir feuilleté quelques vieux ouvrages et acquis la certitude que je ne comprenais pas le suédois, je partais me perdre à SoFo, le quartier branché de la ville, me disant peut-être que je croiserai des traces de la pride dont on discutait hier mais que personne ne semblait avoir vu, malgré des manifestations prévues pour trois jours.

Je n’étais pas plus chanceux. Je décidais donc d’aller manger un plat typique de Suède d’après mes camarades : des boulettes de viande. J’allais dans un restaurant spécialisé et j’avais la chance de pouvoir obtenir une table, l’établissement étant beaucoup sur la réservation.

SoFo, le Soho de Stockholm…

Je me commandais la spécialité du chef avec une purée de pommes de terre, des ligonberries (Des airelles plus sucrées), du concombre mariné et un jus de ligonberries maison pour accompagner le tout. C’était excellent et je terminais par une boulette au chocolat pour le dessert 🙂

… And I ate some balls for dinner, there !

Voilà qui achève mes deux jours dans cette ville : je pourrais y passer encore beaucoup de temps, tant il reste à faire… Mais j’y retournerai !

En attendant, merci et à bientôt !