Un aperçu de Stockholm
Il était temps pour moi de visiter Stockholm, ville immense et remplie d’endroits à découvrir. Je sais que ça faisait un moment que je repoussais le fait de tenter de rencontrer du monde, craignant de n’être pas assez intéressant pour ça, mais je n’avais plus trop d’excuses alors je me lançais : j’allais prendre un lit en auberge de jeunesse !
Avec des parking à plus de deux euros de l’heure, je tentais la même stratégie que des amis ayant visité New York : me garer en périphérie lointaine de la ville dans un park & go, ne payant que 10 euros pour deux jours.
J’avais repéré une auberge de jeunesse dans le centre, et vu les centaines d’avis extrêmement positifs sur celle-ci, je me dirigeais vers elle pour tenter d’obtenir une place, n’ayant pas pu réserver le jour même sur Internet (oui, je garde ma liberté)
J’étais arrivé vers 7-8 heures dans la ville et tous les commerces étaient fermés et à l’exception de quelques groupes de voyages organisés, je ne croisais pas grand monde. J’avais tout le loisir de découvrir une ville très colorée sur mon chemin.
Je passais en face de l’immense palais royal et pouvais observer un garde en faction.
Après avoir traversé quelques quartiers, j’arrivais au « City Backpackers Hostel », j’étais impressionné par la déco dans l’entrée, extrêmement chaleureuse. Stockholm étant en pleine Pride, il y avait aussi des rainbow flags et un écriteaux à l’entrée rappelait les règles de tolérance de l’établissement.
Malgré mon anxiété, mon envie de fuir et de me planquer au fond d’une forêt dans la nature, je réservais quand même une nuit à l’accueil, en chambre individuelle vu que les dortoirs étaient complets. Je suis content de ne pas m’être servi de ce prétexte pour abandonner !
Je visitais un peu les lieux et triait mes photos avant de partir vers le musée Vasa qui m’avait été chaudement recommandé…
Mais laissez-moi d’abord vous raconter une histoire… Il était une fois, un roi, très puissant et voulant un bateau à l’image de ses ambitions. Le roi commanda à un amiral un bateau semblable à ceux des Néerlandais. Immense. Avec deux ponts de canons. Richement décoré. L’amiral délégua la tâche aux chantiers navals qui, eux, n’avaient jamais construit de bateaux de ce type. Des bateaux, oui, mais pas avec deux ponts pour l’artillerie.
Mais le roi mettait la pression à l’amiral qui, lui, la retransmettait aux architectes, ingénieurs, artisans et ouvriers. Et le chantier avançait. Certaines personnes émirent des doutes du début à la fin du projet : « Le bateau est trop étroit sur le fond », « Il n’y a pas assez de place pour les ballasts ». Mais le projet devait continuer. C’est comme ça et le roi brûle de recevoir son navire.
Un jour le chantier se termina. Oh, il était impressionnant ce bateau ! Entièrement peint, bardé de sculptures à la gloire du roi, l’associant aux empereurs romains, de sculptures moquant les ennemis de la couronne et d’effrayant lions surgissant des dizaines de sabords lorsqu’il était temps de combattre. Et cette poupe ! Son travail n’avait rien à envier aux cathédrales ! On procéda donc aux essais. Et là, effectivement, on sentait bien les problèmes de stabilité liés au fond plat et au manque de ballast. Mais, ce qui était fait était fait et le roi voulait son bateau… Le voyage inaugural allait pouvoir commencer, sous l’oeil bienveillant de toutes les divinités maritimes et océaniques sculptées autour du bateau.
1500 mètres après sont départ, le bateau versait, emportant avec lui plus de 400 membres d’équipage, ne laissant qu’une poignée de survivants.
Rapidement, des comptes furent demandés. Il fallait des coupables. Les polonais, du sabotage ? Improbable ? Une erreur humaine ? Non, rien de ce côté. Et si c’était la faute de ceux qui avaient construit le bateau ?…
Problème, les responsables de la construction avaient de nombreuses fois, oralement, par écrit, encore et encore signalé les mauvais choix qui avaient été imposés par l’amirauté et par extension, le roi, offrant des alternatives, plus longues, pour les résoudre.
Rapidement, le tribunal en charge de condamner quelqu’un pour cette catastrophe fut bien embêter : tout désignait le roi comme le coupable évident de cette tragédie. Il prit alors une décision très courageuse qu’on rencontre encore aujourd’hui dans ce genre de situations en gestion de projets :
Le musée Vasa expose… Le Vasa. Oui, le bateau. Il a été étonnamment bien conservé ce qui a permis son incroyable renflouement dans les années 60. Après plusieurs années d’études, de traitements pour préserver le bois, il était exposé dans un musée à atmosphère contrôlée aux allures d’hangar à dirigeables !
Il y avait un nombre incroyable de détails qui ont été reconstitués et retrouvés sur la vie de l’équipage, l’importance des femmes à l’époque, le fonctionnement d’un bateau de cette envergure. C’était extrêmement intéressant et ça m’a donné l’occasion de réviser mâts de misaine, artimon et autres sabords.
Il y avait aussi des dizaines de dioramas retranscrivant l’agitation qui pouvait régner lorsque plus de 400 personnes étaient à l’oeuvre sur un navire.
Il y a eu un énorme travail médicolégal sur les squelettes de l’équipage pour reconstituer certains visages, leurs parcours, état de santé, tout ça dans le but de redonner une identité à des victimes oubliées.
Je quittais après quelques heures le musée pour explorer les environs, un peu anxieux à l’idée de rentrer à l’auberge et essayer de m’intégrer, n’ayant jamais fait ça avant. Merci aux conseils que vous avez pu me donner 🙂
Je parcourais un peu au hasard les rues de la ville et au bout d’un moment, je me rendis compte que je m’étais éloigné de plusieurs kilomètres de l’auberge. Je n’avais plus d’eau, l’après midi se terminait et j’aurais voulu avoir le temps de me poser un peu avant l’arrivée de tous les autres pensionnaires… J’en avais pour au moins une bonne heure de marche…
J’arrivais à l’auberge un peu avant 18 heures et me posait dans la cuisine, buvant toute l’eau que ma gourde n’avait pu emporter. Je commençais ensuite à revoir mes photos de la journée tandis que d’autres personnes arrivaient…
Il y avait des personnes de toutes sortes de pays : Allemagne, Pays-bas, USA, Australie, Grèce, Slovénie, Suisse et Belgique. Toutes et tous avaient leurs parcours, leurs histoires ! Certains traversaient aussi l’Europe, d’autres voyageaient après avoir obtenu un diplôme, et l’une d’elle, issue d’une grande famille américaine passait sa vie à voyager. C’est donc avec un groupe d’une dizaine de personnes que j’ai passé la soirée à discuter de tout. C’était une expérience géniale, merci à tous ceux qui m’ont recommandé d’essayer, même si j’ai beaucoup douté pendant un moment, ça en valait la peine et je renouvellerai l’expérience !
Après une bonne nuit de sommeil sans avoir à installer mes volets ou faire tout un ballet pour me laver et me changer que je repartais en ville. J’hésitais un moment à faire le musée Abba, aimant beaucoup certaines de leurs chansons mais je choisissais finalement de faire le musée d’art moderne car c’est un endroit qui est toujours plein de surprises !
Après avoir observé et fait le tour des êtres étranges peuplant le jardin, j’entrais dans le hall. Première bonne surprise, c’était là que se trouvait l’exposition photo pour laquelle j’avais vu la publicité plusieurs fois en ville. Je prenais donc un ticket pour l’expo temporaire…
L’exposition tournait autour du travail de Jafa et avait pour thématique la représentation noire dans la photographie et la noirceur. Jafa travaille beaucoup à partir de collages et juxtapositions de photos, qui, si elles viennent de contextes complètement différents, sont cependant toujours étroitement liées. Etant une personne pour qui tout est connecté, j’adhérai immédiatement à la démarche.
Il y avait aussi des travaux de Ming qui étaient exposés, très orientés sur la représentation des personnes.
Mais au delà de la photographie, Jafa est un artiste multimédia, étendant son oeuvre à la vidéo et au son. Montant également chants d’amateurs sur youtube avec ceux d’artistes internationnaux.
La partie la plus particulière de l’exposition était une plongée au coeur d’un tunnel entièrement noir. Sorte de peinture dans laquelle on pouvait complètement se plonger.
De l’autre côté, il y avait une autre salle diffusant des courts métrages photographiques sur la condition noire. Ils étaient très impressionnant, en particulier le troisième que j’ai pu voir intitulé « Savages » datant des années 60 et juxtaposant la réalité et les perceptions de l’époque. On suivait un père de famille tout en entendant en parallèle les discours effroyablement racistes de l’époque, discours qu’on peut encore hélas entendre aujourd’hui.
Après cette plongée de plus de deux heures dans l’univers de Jafa, j’attaquais l’exposition permanente. Ah… L’art moderne…
Le musée commençait très fort avec une installation multimédia basée sur un écran seul au milieu d’un grande salle. Il n’était pas visible de l’extérieur. Dessus était diffusé un court métrage en images de synthèse couplées à de la réalité augmentée. Immondes et débonnaires rats humanoïdes fumants dans un avion, enfant buvant son urine et pissant en direction du public, même enfant découpé par une sorcière géante, succession d’animaux anthropomorphes parlant d’une même voix d’un discours de pervers narcissique pour se terminer par l’enfant jouant dans son urine avec en fond un Bouddha souriant.
La suite du musée contenait des oeuvres d’artistes connus, j’en reconnaissais quelques uns et quelques unes mais en découvrait beaucoup d’autres au passage.
Par exemple, Diane Arbus qui s’est spécialisée dans les personnes hors norme. Nains, triplés, personnes marquées, elle a choisit de les mettre en avant dans des photos toujours flatteuses. Du moins, pour celles qui étaient exposées.
D’ailleurs, je ne suis pas un grand spécialiste de Dubuffet, mais je sais qu’il a peint de très mauvaises toiles sur la fin de sa vie, d’après un témoignage sur France Culture que j’avais entendu il y a quelques moi. Je ne vois pas trop comment on peut faire du mauvais art brut, mais bon…
Après cette visite, je décidais d’aller faire un tour à la bibliothèque, passant devant une église très sympathique et un quartier visiblement très défavorisé au vu des véhicules garés : Porsche, grosse Audi, Jaguar, grosse Audi, Porsche tout le long…
Après avoir feuilleté quelques vieux ouvrages et acquis la certitude que je ne comprenais pas le suédois, je partais me perdre à SoFo, le quartier branché de la ville, me disant peut-être que je croiserai des traces de la pride dont on discutait hier mais que personne ne semblait avoir vu, malgré des manifestations prévues pour trois jours.
Je n’étais pas plus chanceux. Je décidais donc d’aller manger un plat typique de Suède d’après mes camarades : des boulettes de viande. J’allais dans un restaurant spécialisé et j’avais la chance de pouvoir obtenir une table, l’établissement étant beaucoup sur la réservation.
Je me commandais la spécialité du chef avec une purée de pommes de terre, des ligonberries (Des airelles plus sucrées), du concombre mariné et un jus de ligonberries maison pour accompagner le tout. C’était excellent et je terminais par une boulette au chocolat pour le dessert 🙂
Voilà qui achève mes deux jours dans cette ville : je pourrais y passer encore beaucoup de temps, tant il reste à faire… Mais j’y retournerai !